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Seigneurie et féodalité

Le droit

Investi du pouvoir royal en 1130, le roi Roger II s'efforce d'organiser la société féodale au service du pouvoir central. Cette volonté du pouvoir royal de restaurer l'autorité publique en combattant l'appropriation privée des pouvoirs de commandement n'est pas propre au royaume normand de Sicile. Mais elle est exprimée par un acte exemplaire de la politique de la dynastie des Hauteville : les Assises d'Ariano, du nom de l'assemblée tenue à Ariano Irpino (Campanie), en 1140 au cours de laquelle les grands feudataires se voient dictées les règles auxquelles ils doivent se conformer. Le texte en a été conservé et constitue la pièce majeure du droit normand en Italie du Sud.
Le roi a consulté les juristes de sa cour et s'est informé des constitutions similaires promulguées dans d'autres états, notamment dans le domaine anglo-normand. Il cherche avant tout à imposer une organisation de la justice et des finances royales. Contrairement aux coutumes féodales, le roi ne convoque pas les grands barons et les évêques pour leur demander leur conseil mais pour leur imposer sa volonté, par serment. Il se fonde sur le droit romain et les traditions juridiques qui en ont subsisté dans les états lombards et byzantins sous sa domination. L'appropriation privée du droit pénal caractéristique de "l'anarchie féodale", la vengeance privée, les principes de compensations pécuniaires des dommages causés issus des coutumes des peuples germaniques, et la personnalisation des lois suivant l'origine ethnique, sont récusés au profit d'une organisation de la justice et des finances en circonscriptions territoriales hiérarchisées sous l'autorité du roi. Le juge et la loi s'imposent à tous, au nom du roi. Les grands seigneurs qui détiennent une partie de l'autorité publique sont censés la tenir du roi, comme des fonctionnaires, et, à l'opposé de la tendance féodale, n'ont pas le droit de la conserver dans leur patrimoine et de la transmettre à leurs héritiers. La rupture du serment de fidélité est d'ailleurs pour le vassal un crime de lèse-majesté. Toute atteinte à l'ordre publique est une offense à la majesté royale.
Issu d'une famille de mercenaires, pur produit de la société féodale, le roi normand Roger II s'efforce de rétablir les bases d'un droit public. A l'opposé des mœurs féodales, il fonde une monarchie de droit divin, à caractère absolutiste. Le succès de l'entreprise dans le temps dépendra cependant du rapport de force entre le pouvoir central et les grands féodaux. Dès 1142 Roger II complète les Assises d'Ariano en dressant l'inventaire des fiefs et de leurs devoirs envers le roi : le Catalogus Baronum.

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