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(canton de Fécamp, Seine-Maritime)

Château

    Selon une tradition fécampoise du XIe siècle, c'est le duc Guillaume-Longue-Epée (vers 927-942) qui aurait choisi le site de Fécamp, où existait une ancienne fortification (oppidum), pour en faire une de ses résidences. Pendant longtemps, le palais qu'il construisit à proximité de l'ancien monastère de femmes du comte Waninge allait être un des séjours favoris de la dynastie princière. C'est à Fécamp que naquit le duc Richard Ier (v. 925 ? -996). C'est là aussi qu'il reçut sa sépulture et que fut inhumé son fils Richard II (996-1026). La grande salle du palais de Fécamp fut encore le cadre du fastueux banquet que présida Guillaume le Conquérant à son retour d'Angleterre en 1067 pour fêter son couronnement. Par la suite, Guillaume tendit à délaisser ses résidences haut-normandes et les séjours des ducs commencèrent à se faire plus rares. Le dernier grand évènement fécampois dont les chroniques nous ont conservé le souvenir est la cérémonie qui se tint en 1162 à l'initiative d'Henri II Plantagenêt pour le transfert des restes de Richard Ier et de Richard II en l'abbatiale de la Sainte-Trinité.
Vaste complexe de bâtiments résidentiels et de service, le palais des ducs s'élevait à l'ouest de l'abbatiale. Dans ses stratifications les plus anciennes, datées du Xe siècle, les fouilles réalisées par Annie Renoux entre 1972 et 1984 ont permis de reconnaître la présence d'un bâtiment de bois aux murs légèrement cintrés, sans doute contemporain de Guillaume-Longue-Epée, et d'un édifice en pierre attribué au palais de Richard Ier. Un texte signale l'existence d'une "aula domini Richardi" qui devait être la grande salle du palais de Richard II, et dont les fouilles n'ont pas permis de retrouver la trace ; elle se situait peut-être à l'emplacement de la tranchée ouverte au XIXe siècle pour le passage de la voie ferrée. Seul l'état le plus tardif, de la seconde moitié du XIIe siècle, nous est bien connu. La grande salle était alors incluse dans une sorte de bastion s'élevant entre deux tours, à cheval sur le tracé du rempart du château. Ses ruines aujourd'hui restaurées constituent l'unique vestige du palais ducal.
Le château englobait non seulement le palais des ducs, mais aussi l'église de la Trinité et l'ensemble des bâtiments conventuels de l'abbaye. Son origine est peut-être liée à la construction d'un castrum pour la défense de la zone côtière à la fin du IXe siècle. Dans son premier état, il devait être constitué de deux parties, une enceinte résidentielle formée d'un rempart de terre et d'une palissade autour des bâtiments du monastère, un second enclos plus vaste englobant une zone de jardins et de vergers dans la partie basse du site. Au XIe siècle, la palissade primitive fut remplacée par un mur de maçonnerie reposant sur une série de piles de fondation implantées dans l'épaisseur du rempart de terre et reliées entre elles par des arcs : plusieurs de ces arcades sont encore visibles aujourd'hui dans les soubassements du palais. Au XIIe siècle, la résidence des ducs fut fortifiée par un puissant donjon de plan carré dont les fouilles ont permis de dégager la souche sur la face occidentale du "bastion". C'est également à la période ducale qu'appartiennent les petites tours quadrangulaires qui se voient encore ici et là sur le périmètre de l'enceinte. Deux de ces tours encadrent le "bastion" du palais ; l'une au nord, dont ne subsistent que deux pans de murs, abritait le grand moulin de l'abbaye ; la mieux conservée est la tour dite "de la Maîtrise" au sud-est du chevet de l'abbatiale.

Jacques Le Maho

Bibliographie

- Renoux A., Fécamp - Du palais ducal au palais de Dieu, CNRS, Paris, 1991 ; J. Le Maho, "Les origines de l'abbaye de Fécamp", dans De l'histoire à la légende - La broderie du Précieux-Sang, catalogue d'exposition, Fécamp, Musées municipaux, 2001, p. 10-31 (+ les notices 3, 4, 5 et 6, p. 72-79)