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(canton de Caen, Calvados)

Eglise Saint-Etienne
Abbaye aux Hommes

    Le duc Guillaume le Conquérant et la duchesse Mathilde fondèrent les abbayes aux Hommes (vers 1063) et aux Dames (entre 1059 et 1065) en expiation de leur mariage consanguin, selon Milon Crispin, le biographe de Lanfranc, mais aussi pour impulser le développement de la nouvelle capitale ducale.
Lanfranc de Pavie, prieur du Bec, nommé à la tête de l'abbaye, dirigea les travaux jusqu'à sa nomination à l'archevêché de Cantorbéry en 1070. La dédicace eut lieu en 1077 et le duc Guillaume fut inhumé dans le chœur de son église dix ans plus tard (l'actuel tombeau - une simple dalle de marbre noir - a été réalisé en 1802). Toutefois la façade occidentale (à l'exception des flèches gothiques) ne fut construite qu'à la fin du XIe siècle.
Le plan primitif était le plan bénédictin en croix latine et chevet à chapelles échelonnées (dont à quelques centaines de mètres Saint-Nicolas offre une copie réduite). Mais un chœur gothique a été reconstruit au début du XIIIe siècle, tout en respectant au mieux la structure romane de l'église.
L'élévation adopte l'étagement des trois niveaux qui deviendra le parti traditionnel roman normand mais introduit trois innovations majeures : l'ampleur des tribunes ouvrant sur la nef par un seul grand arc (disposition reprise à la cathédrale de Norwich) ; l'alternance dans la nef, par groupe de deux travées, de piles fortes et faibles, les premières destinées à supporter des arcs diaphragmes et des murs coupe-feu qui ont disparu avec le plafond de bois originel ; la coursière du troisième niveau (qui n'existait encore que dans le transept à Bernay et à Jumièges).
La structure même de la nef avec ses larges vides et l'alternance des piles, constitue une disposition qui devait conduire naturellement vers la croisée d'ogives. Aussi, vers 1115, des voûtes sexpartites remplacèrent-elles le plafond de bois. Cela entraîna une transformation du dernier niveau : les ouvertures vers la nef furent modifiées (au lieu de quatre grandes arcades par groupe de deux travées, l'association d'une grande et d'une petite arcade) ; une colonnette fut ajoutée au sommet des dosserets des piles fortes pour recevoir la retombée des arcs ; un décor nouveau de figures monstrueuses fut appliqué aux culots et des frettes crénelées superposées aux baies.
La façade superpose un grand massif carré à trois rangées d'ouvertures, qu'épaulent quatre solides contreforts, et les deux tours dont la savante progression des arcatures et des baies allège la masse dressée vers le ciel. C'est là sans doute une réminiscence des massifs occidentaux carolingiens et ottoniens. Mais c'est aussi le premier exemple de la façade harmonique normande dont la formule passera aux grandes cathédrales dès le siècle suivant.
Guillaume avait souhaité une église digne d'abriter son tombeau et de célébrer sa gloire. Saint-Etienne traduit non seulement cette volonté mais exprime encore la puissance de la Normandie ducale et la perfection rigoureuse atteinte dès la fin du XIe siècle par l'architecture romane normande.

Bernard Beck

Bibliographie

- Carlon, E.G. " The Abbey-church of Saint-Etienne de Caen in the eleventh and twelth centuries ". Thèse dactylographiée ; Yale University, 1968
- Musset, Lucien. " Saint-Etienne de Caen ", in Normandie Romane, t.1 ; Editions du Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1967