Les Normands et les papes : la bataille de Civitate (1053)

Pour comprendre les fluctuations de la politique pontificale envers les Normands, il faut considérer que, pour l'Eglise, le Mezzogiorno relevait juridiquement de l'autorité directe du Saint-Siège. Pour soutenir ses prétentions, la chancellerie papale avait été jusqu'à forger un faux, la donation de Constantin, par laquelle le premier empereur chrétien aurait remis au Pape la possession perpétuelle de Rome et de l'Italie. Cette revendication et l'affirmation d'une suprématie, au moins spirituelle, sur tous les souverains du monde chrétien, ont conduit les papes à mener une activité politique constante pour maintenir leurs droits dans cette région. Face à eux, les empereurs d'Orient (le basileus byzantin) et d'Occident (l'empereur germanique) revendiquent également l'héritage de l'Empire romain.

C'est dans ce contexte qu'une première coalition anti-normande voit le jour. Le Pape Léon IX, avec l'aide de son parent l'empereur de Germanie Henri III, et l'alliance des seigneurs lombards, entreprend une action politique et militaire. Poursuivant un but commun - chasser les Normands -, il va jusqu'à pactiser pour l'occasion avec les Byzantins. La rencontre des forces en présence a lieu près du fleuve Fortore, non loin de Civitate, en Capitanate. Malgré l'offre de négociation des Normands, la bataille a lieu le 18 juin 1053. Robert Guiscard n'est encore qu'un des cadets des frères Hauteville, mais il est un des héros de la bataille. L'armée papale est anéantie et le Pape est retenu captif pendant dix mois à Bénévent.

Cette défaite sera suivie d'un retournement d'alliance entre le Pape et les Normands. La querelle des investitures épiscopales conduit la papauté et l'Empire germanique à un affrontement durable, tandis qu'en 1054, la séparation de Rome et de Byzance est consommée par le schisme des églises d'Orient et d'Occident. Le Pape a besoin d'alliés. De dangereux fauteurs de troubles, les Normands passent au statut de bras armé de la Chrétienté.