L'espace anglo-normand

Wace (vers 1160 / 1174)

Roman de Rou

Wace, né dans l’île de Jersey vers 1100, fit ses études à Caen et à Paris. Il occupa auprès des rois anglo-normands la fonction de " clerc lisant " de 1135 à 1170. Le roi Henri II Plantagenêt lui accorda même une prébende à Bayeux vers 1165.

Wace attira l’attention de la cour royale en publiant plusieurs ouvrages en langue vernaculaire, notamment une Vie de sainte Marguerite, une Vie de saint Nicolas et une Conception Notre-Dame. En 1155 il publia son Roman de Brut qu’il dédia à la reine Aliénor d’Aquitaine : c’est une transposition en langue romane (d’où le terme roman) de l’ouvrage que venait de publier en latin Geoffroi de Monmouth, l’Historia regum Britanniae. Wace raconte l’histoire de la Grande Bretagne, depuis l’arrivée d’un certain Brutus (héros éponyme de la Bretagne), un descendant du troyen Enée, jusqu’à la disparition du roi Arthur : c’est le premier ouvrage en français consacré à la légende du roi Arthur et de la Table Ronde.

En 1160 Wace entreprit la rédaction du Roman de Rou à la demande du roi Henri II. Dans ce " roman " de 16 930 vers sont rapportés les méfaits du chef viking Hasting, la fondation du duché de Normandie par Rollon / Rou et l’histoire des premiers ducs jusqu’à la bataille de Tinchebray en 1106. Wace modifia à plusieurs reprises son projet qu’il ne parvint pas à mener à son terme. Le roi Henri II lui retira, semble-t-il, sa confiance et proposa à Benoît de Sainte-Maure le soin de composer la geste des ducs de Normandie. Wace a transposé en langue française les sources latines qui racontaient l’histoire des Normands. Pour les premiers ducs il emprunte ses informations à l’Historia Normannorum de Dudon de Saint-Quentin et aux Gesta Normannorum Ducum de Guillaume de Jumièges. Pour l’histoire de Guillaume le Conquérant et la conquête de l’Angleterre, auxquels il consacre quelque 6 400 vers, il s’inspire de Guillaume de Poitiers, d’Orderic Vital et de Guillaume de Malmesbury. Wace veut être à la fois un historien en suivant fidèlement ses sources et un poète en conférant à son récit une forme plus dramatique et plus romanesque. Le Roman de Rou est, en outre, un témoignage linguistique exceptionnel de la langue vernaculaire parlée dans l’Ouest de la France au milieu du XIIe siècle.

Pierre Bouet
ouen - Office universitaire d'études normandes
Université de Caen

 

EDITIONS

- Vie de sainte Marguerite : E.A. Francis, Paris, 1932.
- Vie de saint Nicolas : E. Ronjö, Lund-Copenhague, 1972.
- Roman de Brut : I. Arnold, 2 vol., Paris, 1938-1940.
- Roman de Rou : J.A. Holden, 3 vol., Paris, 1970-1973 ; (extraits) R. Lepelley, Guillaume le duc, Guillaume le roi, Caen, 1987.

ETUDES

- Holmes, U.T. " Norman Literature and Wace ", Medieval Secular Literature. Four Essays, Berkeley et Los Angeles, 1965.
- Bennett, M. " Poetry as History ? The ‘Roman de Rou’ of Wace as a source for the Norman Conquest ", Anglo-Norman Studies 5, 1982, Woodbridge, 1983, p. 21-39.
- Van Houts, E. " The Adaptation of the Gesta Normannorum Ducum by Wace and Benoît ", Melanges W. Noomen, Groningue, 1984, p. 115-124.
- Delbouille, M. " Le témoignage de Wace sur la légende arthurienne ", Romania,1953, p. 172 sq.

 

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