2

Le monde rural

Le village normand

Sans exclure totalement l'habitat temporaire résistant à la stabilisation des terroirs, on peut avancer que vers 1100 l'habitat est fixé. Cette permanence symbolisée par l'église et son cimetière est attestée jusqu'à nos jours. Les limites extérieures du village sont matérialisées par des haies ou plus exceptionnellement par un mur de pierres assemblées à cru.

A l'intérieur, il est encore difficile de déceler les éléments constituants les pôles d'attraction de l'activité artisanale : le moulin, la forge … Hormis la cellule villageoise qu'est la maison, la disposition du tissu bâti n'est connue qu'au travers de villages abandonnés au XIVe s. tel Saint-Ursin-de-Courtisigny près de Courseulles (Calvados), ou le village de Trainecourt (commune de Grentheville, Calvados). Très certainement, à l'intérieur de l'espace bâti, certains emplacements sont préférés, et de ce fait tôt occupés par les riches et les puissants, à proximité de la maison seigneuriale, de l'église ou de la place qui joue le rôle du marché. Ce schéma bien connu à la fin du moyen âge reste hypothétique par manque de données jusqu'au XIIIe s.

Le statut des hommes et des terres, la nature des liens qui les unissent dans le village et autour du seigneur, l'organisation des travaux des champs, les pratiques d'usage en commun dans les bois et les friches, sont des questions complexes et encore débattues. Un des traits originaux de la période est la fondation des bourgs aussi bien urbains que ruraux. Dans le bourg, les paysans bénéficient de tenures de superficies égales et de charges moins lourdes. Ce privilège de "bourgage" est un moyen pour les seigneurs de créer de nouveaux villages dans les zones qu'ils désirent développer.

La proportion des alleux, terres et communautés libres de la pression seigneuriale, et qui ne doivent de redevances qu'au duc-roi, semble rester importante. La célèbre révolte des paysans normands en 996 contre les exactions des seigneurs, la formation et l'attachement des villageois au droit coutumier - qui deviendra la "Coutume" - montrent que la communauté villageoise est déjà forte, surtout dans les régions d'occupation ancienne et d'habitat groupé, et sait défendre ses intérêts, notamment ceux qu'on appelera dans la période suivante "les droits communaux".

 

page précédente  L'espace anglo-normand  page suivante