Mont Cassin : abbaye Saint-Benoît

L'abbaye du Mont-Cassin domine par son influence toute l'histoire du Mezzogiorno normand. Elle fut le siège d'un centre religieux et culturel, et d'un pouvoir temporel qui joua notamment le rôle d'intermédiaire entre la Papauté et les princes normands. Il ne reste cependant de l'abbaye d'époque normande que des traces essentiellement archéologiques.
L'abbatiale romane du Mont-Cassin fut érigée en 1066 sur le site de l'oratoire fondé par saint Benoît en 529 et d'une première basilique carolingienne de l'époque de l’abbé Gisulf (797-817). Les travaux commencés par Didier, abbé depuis 1058 qui devint pape sous le nom de Victor III, durèrent cinq ans, sous l'influence mêlée d’architectes lombards et amalfitains, ainsi que d’artistes grecs spécialistes des dallages et des mosaïques. On fit aussi usage de matériaux et de marbres prélevés sur les monuments romains. A partir de 1071, les travaux s'étendirent à l'ensemble des bâtiments conventuels et l'abbatiale fut consacrée en 1077 en présence des seigneurs normands. Mais le tremblement de terre de 1349, des interventions du XVIe s., et les violents combats de 1943-1944 ont fait disparaître l'église de l'abbé Didier qui ne survit qu'à travers une reconstruction.

L'édifice détruit revêt cependant une importance particulière car il a été le modèle architectural reproduit dans toute l'aire d'influence de la prestigieuse abbaye, ralliée sous Didier à la dynastie normande, dans l'intérêt de l'Eglise, et du rayonnement de son monastère. La reconstitution des dispositions de l'abbatiale du XIe s. est possible à l'aide des sources écrites, notamment la chronique de Léon d'Ostie, et des résultats des recherches archéologiques. Selon la tradition paléochrétienne de l'Antiquité tardive (dynastie constantinienne, IVe s. ap. J.C.), l'église présentait trois nefs scandées par deux alignement de dix colonnes. Le chevet à trois absides était composé d'une abside centrale entourée de deux absides latérales, ouvertes sur un transept très légèrement saillant, et alignées dans l'axe des bas-côtés. Le chœur surélevé n'indique pas la présence d'une crypte mais celle du tombeau de saint Benoît que l'abbé Didier n'avait pas voulu perturber. La façade de l'église s'ouvrait sur un atrium, parvis entouré sur quatre côtés par des galeries à arcades en ogive.

Parmi les vestiges conservés de l'église de l'abbé Didier (Desiderius), les portes de bronze, commandées à des ateliers de Byzance furent installées par son successeur Odérisius. Elles sont composées de panneaux assemblés dont les inscriptions sont une sorte d'inventaire des terres possédées par l'abbaye. De la même période subsistent également les montants du portail médian ornés de motifs floraux dans des cadres géométriques, sur un fond de mosaïques en grande partie disparues. Les piédroits des portails latéraux sont également décorés de motifs végétaux, roseaux et rinceaux de vignes habités d’oiseaux. Deux dalles de pavage rescapées du décor du choeur figurent des félins en damier de mosaïque noir et blanc. Elles sont d'inspiration nettement orientales. Mais il ne reste pratiquement rien du décor de fresques sinon les mentions du texte de Léon d'Ostie qui évoque la représentation dans le chœur des figures de saint Jean-Baptiste et saint Jean-L'Evangéliste qu'un riche programme iconographique tiré de l’Ancien et du Nouveau Testament.

 

Bibliographie
- Emile Bertaux. - L'art dans l'Italie méridionale. - Paris : De Boccard ; Rome : Ecole Française de Rome, 1968, 3 vol.. (1ère éd. 1903).
- Mario D'Onofrio. - Campanie romane. - La-Pierre-Qui-Vire : Zodiaque, 1981 (La Nuit des Temps, 56).
- Mario D'Onofrio. - Il panorama dell'architettura religiosa. - In "I Normanni, popola d'Europa 1030-1200", Roma : Marsilio, 1994, p. 199-209.
- Giovanni Coppola. - L'architecture religieuse normande en Italie méridionale. - In : "Trésors romans d'Italie du Sud et de Sicile", Caen : Musée de Normandie, Toulouse, Musée des Augustins. - Milan : E. Sellino, 1995, p. 75-96.