Abruzzes

         

Castelcastagna : Eglise Sainte-Marie de Ronzano

Située au nord des Abruzzes, l'église Sainte-Marie de Ronzano n'en est pas moins directement inspirée par le style architectural développé dans les Pouilles à la suite de la conquête normande et dont le prototype est Saint-Nicolas de Bari, érigée en 1087 sur l'initiative des conquérants normands.

Le plan reste celui de la basilique à trois nefs rythmée par deux rangées de piliers, mais, à la différence du modèle bénédictin du Mont-Cassin, largement diffusé dans les Abruzzes, les trois absides, bien présentes dans l'alignement des trois nefs, sont masquées à l'extérieur par un mur droit qui enveloppe le chevet et le transept en une seule masse disposée perpendiculairement au plan de la nef, et élevée à hauteur du toit de la nef centrale, au-dessus du niveau des bas-côtés. Sur le plan, les bras du sanctuaire font un léger décrochement en saillie, de l'épaisseur d'un mur. Il est surélevé d'un gradin et couvert de voûtes d'arêtes sur les collatéraux, d'une voûte à nervure plate, dite "lombarde", sur le chœur.

Cette disposition particulière du sanctuaire marque la transmission d'un modèle byzantin, à l'époque normande, par l'intermédiaire des chantiers menés dans les Pouilles.

La nef est restée couverte en charpente. (La présence de supports plaqués sur les piliers indique toutefois un projet de voûtement abandonné.). La façade montre les dispositions de la nef, en trois parties délimitées par des contreforts plats, avec une toiture à rampant interrompu sur les bas-côtés, un pignon marquant l'élévation de la centrale, plus large, un portail principal et deux plus petits sur les bas-côtés.

L'église emprunte à l'environnement abruzzain son matériau de construction : la brique, qui domine sur le parement des murs, la pierre de taille étant réservée aux piliers, aux arcs plein cintre et aux murs de la nef, ainsi qu'au décor : encadrement des ouvertures, pilastres plaqués sur les murs extérieurs, grandes arcatures aveugles plaquées dans la partie inférieure des murs du chevet et du sanctuaire. La forme des arcs de la nef est en croissant, effet obtenu par la superposition de deux rouleaux plein-cintre qui n'ont pas le même centre.

Le décor sculpté est pratiquement inexistant à l'exception de la fenêtre placée sur le chevet plat dans l'axe de l'abside centrale. Son archivolte en saillie, décorée de palmettes, est portée par deux colonnettes à chapiteaux également ornés de palmettes, détachées du mur et posées sur des consoles. La fenêtre elle-même à ouverture unique sur la grille de pierre d'un claustra, est entourée d'un rinceau de vignes et les fleurs, de style byzantin.

Le décor peint est par contre très abondant. Des cycles de fresques se déploient en plusieurs registres sur les cylindres et cul-de-four des absides et les murs du transept. Christ en Majesté dans une mandorle portée par des anges, scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament, Annonciation, Procession des Apôtres, Jugement dernier, autant de thèmes classiques du décor peint en Italie méridionale, dans lesquels les spécialistes reconnaissent cependant la naissance d'un style régional, influencé par l'art de l'Empire germanique et par la miniature française, qui fera école dans les Abruzzes sous domination normande.

Les archéologues se disputent sur la lecture d'une date relevée dans ce décor peint : 1171, 1181 ou 1281 ? Cet indice de la fin des travaux serait utile alors que les autres bâtiments du monastère ont été détruits par un incendie en 1183.

 

Bibliographie
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Emile Bertaux. - L'art dans l'Italie méridionale. - Paris : De Boccard ; Rome : Ecole Française de Rome, 1968, 3 vol.. (1ère éd. 1903).
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Paolo Favole. - Abruzzes & Molise romans. - La Pierre-Qui-Vire : Zodiaque, 1990, 308 p. (La Nuit des Temps ; 74).
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Mario D'Onofrio. - Il panorama dell'architettura religiosa. - In "I Normanni, popola d'Europa 1030-1200", Roma : Marsilio, 1994, p. 199-209.
- Giovanni Coppola. - L'architecture religieuse normande en Italie méridionale. - In : "Trésors romans d'Italie du Sud et de Sicile", Caen : Musée de Normandie, Toulouse, Musée des Augustins. - Milan : E. Sellino, 1995, p. 75-96.